Emmanuel Hocquard

 

Emmanuel Hocquard2


À Raquel                                               

Diptyque

Diptyque : deux
ou bien double.
Je ne sais pas parler de
ce que j'aime : je le tais.
Qu'en est-il
du passage des regards
aux mots ? Aimer
et taire se reflètent.
L’image dans le bouclier
diffère-t-elle de Méduse ?
Son regard pétrifie
celui qui la voit.
Les volcans fabriquent
leur lumière
et leur couleur
change sous nos yeux.
Je n'ai su t’offrir
(en guise de discours)
que deux poignées
de lapilli. Graciosa
est le nom de l’île,
chaos noir sous le ciel.
Le relief sur terre
est identique
au relief sous la mer :
la jeep nous secoue
à travers les champs
de lave comme
la barque sur l’eau
et leurs moteurs font
le même bruit que le bruit
de l'usine d’eau douce
et d’électricité.
À la tombée du jour
la jeune femme
se pencha en avant
et dit : en mi casa.
Paroles de consolation
et de désolation. Sa voix
était un peu rauque
et la pierre rugueuse.
Diptyque : deux
ne sont pas un et un.
Dehors et dedans
ne servent à rien
quand nous parlons
du bord
d’un cratère.
Où est la ligne qui sépare ?
Le trait d’ombre,
le pli
est toujours plus sombre
que la couleur
la plus sombre.
Dans ma maison
la couleur et la voix
ne se touchent pas
plus que le regard
ne touche la lumière.
L’obscurité
n'est pas
une limite.


In « Un privé à Tanger », P.O.L., 1987

 

 

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