Vivre à l'atelier de Malakoff
Images de l'atelier de Malakoff (en chantier mais consultable)
Entretien d'Emmanuel Hocquard avec Claude Esteban
Alain Veinstein. Les Ravisseurs
Franck Venaille, « Ouverture »
Alain Veinstein. Épreuve d’artiste
Raquel. Les rencontres Café-Notes
Entretien d'Emmanuel Hocquard avec Claude Esteban.
Emmanuel Hocquard. Bien sûr, au début, nous n’étions qu’un tout petit groupe, parfaitement informel, d'écrivains plutôt isolés, peu connus sinon inconnus pour certains, avec nos propres goûts, nos écritures propres, nos lectures... Nous savions certes ce que nous voulions et ce que nous ne voulions pas. Mais sans unanimisme, sans dogmatisme ni stratégie de groupe. Nous nous retrouvions souvent, dans l’atelier de Raquel, à l'heure du thé ou à dîner. Il n’y avait pas d’ordre du jour ; la seule consigne était d’apporter du vin. On échangeait des idées, on parlait de nos lectures, on se prêtait des livres et des numéros de revues. C’étaient des réunions à la fois très joyeuses et studieuses. C’était aussi l`époque de Poésie ininterrompue, l'émission de Claude Royet-Journoud, sur France-Culture. Le dimanche soir, quand je revenais de l'imprimerie où j’avais passé la journée à imprimer la Chute du jour, je retrouvais tout ce petit monde, à l’atelier. Les uns regardaient la télévision, les autres préparaient les lentilles pour le dîner ou écoutaient l’entretien qui clôturait la semaine de Poésie ininterrompue. Les plus assidus étaient Claude Royet-Journoud, Alain Veinstein, Jean Daive, Anne-Marie Albiach, Joseph Guglielmi. De mois en mois, de nouvelles têtes faisaient leur apparition. Un jour Georges Perec apportait un chat, qui est toujours ici. Un autre, Clément Rosset allait acheter des huîtres au Zeyer, en compagnie de Gaspard, le chien de Raquel, qui est mort et qui a mordu un nombre considérable de poètes. C’était un peu une fête ininterrompue. Les chapelles, ou ce qui en restait, ça nous amusait de loin, mais ça ne nous concernait pas vraiment. Et puis, notre nombril n'était pas attaché à Paris. Nous nous intéressions tous également aux poésies étrangères : américaine, anglaise, italienne, sud-américaine... Je crois pouvoir dire, avec le recul, que non seulement Orange Export Ltd. n’a pas été une chapelle, ni au service d’aucune chapelle, mais que ça a été tout le contraire.
Orange Export Ltd. 1969-1986 Flammarion 1986
À Londres vivait une jeune femme passionnée de poésie contemporaine, de langue, française et anglaise, et qui fréquentait quelques-uns des poètes les plus inventifs du moment. Elle s’appelait Paule Philip. Un jour, elle entend Henri Michaux, de passage à Londres, lire les cinquante premiers vers d’Alexandra. Elle n’en croit pas ses oreilles et s’empresse d’écrire à Pascal. Elle aimerait faire sa connaissance et lui présenter certains de ses amis : un couple d’Américains, poètes et éditeurs à Providence, Keith et Rosmarie Waldrop, créateurs de Burning Dake Press, ainsi que des Français qu’elle publie elle-même dans une petite maison d’édition qu’elle a nommée « Le Collet de Buffle ». Anne-Marie Albiach, Claude Royet-Journoud, Jean Daive, Michel Couturier, Claude Faïn... comptent parmi ses auteurs. Pascal publiera au Collet de Buffle Écho, en 1975. Il rencontrera ensuite Raquel et Emmanuel Hocquard, qui prendront d’une certaine façon le relais du Collet de Buffle avec les mêmes auteurs, auxquels d’autres viendront s’ajouter au fil du temps. Ce sera l’aventure d’Orange Export Ltd. Emmanuel Hocquard imprimait lui-même, à la main, nos petits livres, dont les gros tirages ne dépassaient pas cent exemplaires. Il avait même créé une collection, « Chutes », dont seuls neuf exemplaires étaient imprimés. Écrivains et artistes se rencontraient dans l’atelier de Raquel, elle-même peintre, à Malakoff, jusqu’aux premières heures du jour, certaines nuits. Il y avait aussi les dimanches après-midi pour les couche-tôt, dont Pascal faisait partie. Et ce jour-là, le dimanche, les plus chanceux — il n’y en avait pas pour tout le monde — se répartissaient les neuf exemplaires qui venaient de sortir de la presse à bras, l’encre parfois à peine sèche. Orange Export Ltd était l’une de ces rares maisons d’édition, peut-être la seule, dont les livres étaient épuisés avant leur sortie officielle. Pascal en a publié plusieurs. Il aimait manifestement l’esprit qui régnait dans cette maison, ce qui explique qu’il acceptait de temps à autre de se joindre à nous. Orange Export Ltd était avant tout une maison de poésie : les noms que j’ai cités en témoignent. Le seul fait que Pascal y publiait suffisait pour qu’il soit classé à l’époque parmi les poètes. On parlait du « poète Pascal Quignard ». Or, on sait que les « poèmes » qu’il a écrits se comptent sur les doigts d’une main. N’empêche que l’époque retracée ici à grands traits est celle dont il se souvient, aujourd’hui encore, en soulignant qu’il n’a jamais écrit depuis lors avec une telle sensation physique immanente, totale, de nécessité, comme si une voix enfouie résonnait en lui. L’expérience de la poésie n’est sans doute pas autre chose que cette tension, cet affrontement avec la densité de la langue…
Les Ravisseurs. Grasset Paris 2015
Franck Venaille, « Ouverture »
Reprenant à son compte la méthode critique que le poète Umberto Saba mena sur son œuvre dans Storia e cronistoria del Canzoniere en parlant de lui à la troisième personne, Venaille écrit : « C’est au moment où il fréquente assidûment l’atelier de la maison d’édition Orange Export Ltd et où son chemin voisine, dans le Bulletin Orange Export Ltd, avec ceux de Pascal Quignard, Anne-Marie Albiach, Alain Veinstein, Jean Daive, Claude Royet-Journoud, Mathieu Bénézet, Hubert Lucot, André du Bouchet et Roger Laporte, que Franck Venaille, après avoir longuement réfléchi aux tentations de la “nudité de la lettre” (Anne-Marie Albiach) décide de lancer, seul, une revue. L’idée lui en est probablement venue à Malakoff, le dimanche soir, dans l’atelier du peintre Raquel, au cours de ces réunions “très joyeuses et studieuses” (Emmanuel Hocquard). Dès le numéro 1 de Monsieur Bloom (titre sans ambigüités quant à ses références littéraires), l’énigmatique Lou Bernardo côtoie Hubert Lucot ainsi que des avis de recherche, des rapports de police (la langue à l’état brut ?) et des images (une imagerie plutôt) rapportées de New York. La revue se présente comme : un lieu clos de création où des œuvres et des écrivains interrogent les formes du réel. Nous ne sommes pas loin de Chorus mais, cette fois-ci, l’univers de la revue est soigneusement centré sur soi, sur l’écriture qui la compose. Voici donc une sorte de laboratoire du langage où seront conviés : Hubert Lucot, Emmanuel Hocquard,William Cliff, Mathieu Bénézet, Alain-Christophe Retrat, Georges Perec, Alain Veinstein, Jacques Estger, Jean-Pierre Milovanoff, Dominique Labarière, Maurice Roche, d’autres encore, dont Yves Buin et Daniel Biga. Oui Chorus n’est pas loin (la présence de Klasen, Monory, Jacqueline Dauriac, Jan Voss notamment le confirme) mais l’écriture est mise en avant, mise en accusation parfois, mise en cause avec obstination. Lou Bernardo intervient trois fois. Il est évident que la revue tourne autour de lui. […]. Lou Bernardo a publié dans : Chorus, Monsieur Bloom et l’Énergumène avant de disparaître. D’entrée de jeu, Venaille n’a brouillé aucune piste, écrivant, déclarant : “Lou Bernardo, c’est moi !” ».
Capitaine de l’angoisse animale. Une anthologie 1966-1977. Le Temps qu'il fait. Les Analectes. Paris. 1998.
Alain Veinstein. Épreuve d’artiste.
Où ? Quand ? Comment ? Notre rencontre réduite aujourd’hui à des lambeaux. Des bribes et des raccords de rythme. C’est tout. C’est peu pour essayer de retrouver un lieu, une époque, des événements que j’ai depuis longtemps recouverts de peinture blanche, ou noire, je ne sais pas, sans brillant, en tout cas, loin de la laque et de son effet miroir. Peut-être ai-je aperçu Joerg Ortner pour la première fois, à Malakoff, dans l’atelier de Raquel, où Jean Daive avait pu l’emmener. Je n’en suis pas sûr. Mais l’atelier ayant été, à cette époque, le lieu de toutes les rencontres, mon hypothèse garde un peu de vraisemblance. Je ne savais rien de lui, c’est un fait, mais sa présence m’a tout de suite intrigué. À cause, d’abord, du sourire qu’il vous adressait lorsque vous croisiez son regard. Un sourire qui avait valeur de reconnaissance de l’autre comme interlocuteur, me semblait-il. Celui-ci serait-il pourtant resté, c’était mon cas, résolument muet. Si vous ne saviez rien de lui, il vous donnait en revanche l’impression, par son sourire, qui illuminait son visage, de savoir tout de vous. Ma curiosité était également aiguisée par la lenteur, la douceur du ton de ses prises de parole, auxquelles son accent autrichien donnait une dimension d’étrangeté. Un rythme et une tonalité qui obligeaient à tendre l’oreille, alors qu’il énonçait souvent des paradoxes dont la violence, parfois aiguë, voire tonitruante, n’était pas la moindre des qualités. Il est probable que nous avons dû observer un long délai de silence avant de nous décider à vraiment nous parler. Ce seuil sitôt franchi, dès qu’à son initiative la parole a pris le dessus, nous nous sommes, une fois pour toutes, réparti les rôles : il parlait et j’écoutais. L’écoutant, sa parole m’est apparue comme une sorte de promenade, qui pouvait à tout moment prendre l’aspect d’une errance, derrière ce qu’il est convenu d’appeler la « réalité » : encore faut-il préciser que s’il avait l’air d’être de « l’autre côté », il pouvait aussi, mine de rien, se tenir loin en avant. Il donnait une dynamique à sa parole qui faisait que lorsqu’elle était lancée, rien n’était jamais joué. La seule certitude que nous avions était que nous n’étions pas près d’en approcher la fin.
Le Cahier du Refuge 213, juillet 2012
Je me souviens que quand j’allais voir Emmanuel Hocquard à Malakoff, il y avait aussi Raquel Levy (elle y avait son atelier). Elle faisait à la fin des années 1970 des peintures monochromes d’assez grand format et se disait ravie qu’on puisse ne pas les voir (même si certains visiteurs aveugles étaient entourés par de belles étendues de couleurs subtilement déposées). Le 21 juin 1971, Emmanuel Hocquard avait écrit ou réalisé un livre en un seul exemplaire pour Raquel. Onze photographies d’un corps féminin, nu, cadré au niveau des seins ; on voit les cheveux – “La chevelure étincelle et foudroie” (Claude Royet-Journoud) – , mais pas le visage ; les bras, un peu – et même une main –, mais rien au-dessous de la ceinture), chacune étant “légendée” par deux vers (il y a donc onze distiques) commençant tous par “elle”. Le titre : Comme un orage (cipM, 2016) – tiré 46 ans après à 250 exemplaires. “Le tout forme une ritournelle sans commencement ni fin” (E.H.).
GASPARD, VISIONNAIRE D’ORANGE EXPORT LTD. Qui n’a pas été stupéfait par l’intelligence de Gaspard, le chien du peintre Raquel et Emmanuel Hocquard, qui n’a pas été effrayé par sa violence noire, enfin qui n’a pas été mordu (généralement au poignet) ne peut, selon moi, se prévaloir du titre combien honorifique de membre du groupe Orange Export Ltd dans les années soixante-quinze, quatre-vingt, à Malakoff avenue Pierre Brossolette. C’est dans cet atelier, autour d’une linotype et du matériel de composition et de façonnage que s’est organisé de toute pièce, un peu par hasard je le crois, ce qui allait devenir en cinq ans, en dix ans, le rassemblement amical de ce que la poésie française comportait de plus personnel, de plus attaché à la notion d’écriture pure. J’ai parfois pensé que Gaspard était la réincarnation, combien hargneuse et sauvage, de Mallarmé, un être de sang, de mémoire, d’éclats de voix, qui – de son poste d’observation, la porte – invitait à entrer ou conseillait, encore amicalement, de retourner chez soi. Je me souviens de Jacques Sojcher et d’Hubert Lucot, de Mathieu Bénézet et de Jean Daive, de Claude Royer-Journoud, de celui-ci, de celle-là. Les après-midi ressemblaient à des fêtes que l'on se donne à soi-même, tantôt réussies, tantôt manquées. Le ton général était au sérieux, au transfert et au partage de connaissances, à la réflexion. Tout ce monde, Gaspard compris, fonctionnait grâce au charisme d’Emmanuel Hocquard, sa façon toute personnelle de citer Lucrèce, de susciter sinon un débat du moins un dialogue entre Alain Veinstein et Pascal Quignard et de servir à boire, car il est bien temps d’écrire que la seule obligation à laquelle devaient se soumettre les participants était d’apporter une bouteille, achetée généralement « chez l’Arabe » d’à-côté. Il y avait donc ce chien à qui il fallait sa ration de chair humaine à déchiqueter, un chien et des poètes, des écrivains, en provenance de tant d’horizons qu’il était impossible de comprendre ce qu`ils faisaient là, chaque dimanche, ensemble. Ce qu’ils faisaient ? Tout simplement des livres. Des projets d’ouvrages qui seraient ensuite publiés à 9 exemplaires dans la collection Chutes. Neuf livres : multitude, légion. Ce tirage n’est pas intime. Une quantité vaut pour toute quantité : neuf livres ou mille ou cent mille exemplaires. Reste, seule, et indéfectible, la métamorphose de l’écrit en livre. (Pascal Quignard). C’est en 1977 que Raquel créa sa « collection populaire » dite encore : « Le chemin des amoureux », dans laquelle je publiai Noire barricadenplein. Gaspard lui-même suivit la fabrication puis la diffusion du livre avec vigilance. Ce fut une période heureuse, studieuse, amicale, sans coups bas. Les uns regardaient la télévision ; les autres préparaient les lentilles pour le dîner ou écoutaient l’entretien qui clôturait la semaine de « Poésie ininterrompue », se souvient Emmanuel Hocquard. Et c’est dans les rires et les soudains silences qu’est née, grâce peut-être aux crocs de Gaspard ce qui s’est appelé « l’écriture blanche ».
Franck Venaille. C'est nous les Modernes. Flammarion Paris 2010
LA MEUTE « Le sanglier est un solitaire : il est seul, mais il se déplace en meute. » Dans les années 1970, une « bande » (Royet-Journoud, Hocquard, AlainVeinstein, Jean Daive, Anne-Marie Albiach, Joseph Guglielmi, Olivier Cadiot, Roger Giroux...) se retrouve régulièrement dans l'atelier de Raquel Levy, à Malakoff. « II n'y avait pas d'ordre du jour : la seule consigne était d'apporter du vin », raconte Hocquard. Les célèbres fêtes de Raquel (on y croisera Bob Marley) décoincent une époque d'inimitiés dogmatiques (un type de Tel QueI ne parle pas à un type de Change qui ne parle pas à un type d'Action poétique). Mais la fête est studieuse. Elle bat son plein autour de la maison Orange Export Ltd. (1), fondée par Raquel et Hocquard, qui est le cœur éditorial de « ces gens d'une même génération, et qui avaient à se partager, sinon des choses positivement, au moins négativement. On était d'accord contre un certain nombre de choses. Contre cette poésie poétisante, omniprésente, tout ça nous faisait chier, nous, on s'intéressait à des problèmes intellectuels, aux problèmes de langue, aux problèmes de comment la langue poétique pouvait recouper le discours politique (2). »
(1) Un vaste choix de publications d'Orange Export Ltd., publié chez Flammarion en 1986, a été réédité en 2020, augmenté d’une importante préface inédite de Stéphane Baquey. (2) Interview de Raquel et Emmanuel Hocquard, par Bogdana Savu-Neuville, 1992 (consultable sur le site internet dédié à Raquel).
Art-Press novembre 2021. Victoria Xardel : « Claude Royet-Journoud le sanglier pluriel », à propos de la sortie du livre de Claude Royet-Journoud : « L'Usage et les attributs du cœur »
Raquel. Les rencontres Café-Notes
« Tout cela est affaire de parole »
Jacques Lacan
« Ce qui m'étonne, c'est que dans notre société
l'art n'ait plus de rapport qu'avec des objets,
et non pas avec la vie... Mais la vie ne
pourrait-elle pas être une œuvre d'art ? »
Michel Foucault
"De la vérité on n’a pas tout à apprendre mais en savoir un bout...."
Et d’abord, avant de m’occuper des étoiles, je cherche à comprendre ce qui en moi s’anime, ce qui me titille, ce qui me pousse, me bloque... Des années que je m’occupe de cette affaire à travers bon nombre de supports : le théâtre, la danse, la peinture, les lectures, la philo, l’étude des textes fondateurs, l’édition, l’exploration de mon corps à travers la voix…
Alors voilà, aujourd’hui le Café Notes vient rassembler un peu tout cela : on prend les mêmes éléments et on les secoue, on inverse l’ordre et je vous convie à participer à une nouvelle distribution. Mais j’oubliais le principal : cette trame si fine et translucide, à peine perceptible, si évanescente, est le tissu vivant, traversé par toutes les fulgurances, trame, transparence, tissée par le temps, traversées, traces indélébiles, ce qui reste restera tracé, marquage de vie, d’expérience, d’apprentissage, rencontres, intensités, oblitérées, enfouies, perdues irrémédiablement pour la mémoire et cependant enserrées dans la trame. C’est bien de quoi il retourne dans ce donner à voir du Café Notes. Donner à voir – don ner à boire aussi –, l’installation comporte mes amours, mes paysages, mes lectures, mes amitiés précieuses, tout ce qui me porte, me fait vivre. Ma vie est mon ouvrage et de cet ouvrage vous faites partie. La vie comme oeuvre d’art.
Le lieu
Se retrouver dans un endroit propice à la réflexion, un lieu de simplicité, convivial, où chacun s’exprime sans se contraindre, attentif à l’autre... Un espace où ‘faire vivre l’indocilité’, à commencer par le rapport de soi à soi, ce qui ne se fait pas spontanément mais demande une grande modestie et une constante discipline.
Le dîner
Moment de partage, transparaît là notre profonde nature, premiers apprentissages d’une éthique de vie.
Dîner (bio), ce que l’on mange nous constitue, mais aussi l’élégance et le raffinement dans la présentation. Dimension morale de la nourriture occultée, seuls nous restent, en Occident, le plaisir de festoyer, les plaisirs de la table (les bons vivants). Manger comme œuvre d’art implique la dimension éthique.
L’édition
Si l’on me demande quel lecteur je vise, je réponds : C’est tout faux ! Notes, ce sont mes notes, mes annotations, mes lectures, mes rencontres, les textes que je suscite, volonté d’élucidation qui chasse les mirages ; ce sont les balises qui délimitent mon champ de recherches du moment, mes centres d’intérêt, les jalons que je pose, au cours de mon cheminement. Il n’y a donc pas d’édition pour un lecteur présumé, mais une ligne intérieure, trace de mon parcours, temps d’arrêt pour réfléchir, poser une question. – C’est d’ailleurs une activité centrale chez moi... les questions, je dis bien les questions. Savoir poser la bonne question, c’est tout l’art du Talmud. Les réponses, elles, ne m’intéressent pas. De mes certitudes il ne me reste pas grand-chose. Il y a aussi chez moi une grande activité de gommage. Le travail d’une vie. Jusqu’à la trace du pinceau que j’arrivais à faire disparaître dans mes peintures à une époque. Cherchant les limites possibles à atteindre dans le ralenti du mouvement avant la disparition. À présent, c’est sur moi que je continue ce travail d’effacement... Mais ce n’est plus une histoire d’édition.